La prévention

Cette médecine est donc avant tout préventive, prophylactique*, car elle comprend un ensemble de mesures destinées à éviter ou empêcher l’apparition ou le développement d’une ou de plusieurs maladies. C’est pourquoi les empereurs ne rétribuaient leur médecin que lorsqu’ils restaient en bonne santé …
Un acupuncteur observant scrupuleusement les lois du Tao ne limite pas son art à la guérison des maux physiques seulement. La médecine taoïste s’intéresse à l’ « homme total ».
Le médecin taoïste a donc pour ambition de comprendre, pour le corriger, un manque de sagesse, d’équilibre émotionnel ou d’éthique chez son patient avant que ces disharmonies d’ordre Yang ne provoquent la maladie, des symptômes physiques d’ordre Yin (dans la matière).
Pour être un thérapeute efficace, le médecin doit donc parfaitement connaître tous les ordres hiérarchiques dans l’univers, chez l’être humain, entre l’homme et l’univers, ainsi que les modes d’interactions de ces divers ordres.
Pour mieux comprendre les motivations profondes de la médecine chinoise, il faut comprendre « l’état d’esprit » de cette culture si différente de la nôtre.

De même que, dans la Chine antique, la fondation d’une ville et l’architecture de manière générale reflètent une vision hiérarchisée du cosmos destinée à maintenir une harmonie en constant devenir entre les hommes et le ciel, la « société » est comparable à un organisme vivant en interaction perpétuelle avec un cosmos vivant, changeant lui aussi, et non un ensemble d’entités individuelles, séparées, comparables aux pièces jetables d’une vaste mécanique.

Connaître les lois qui régissent l’univers revient à connaître également celles qui gouvernent les hommes. Les appliquer à la gouvernance de la société, au niveau aussi bien individuel que collectif, permet de maintenir une harmonie, un équilibre à long terme, car ces lois indiquent aux hommes quels retours, ou feedbacks, destructeurs ou producteurs, peuvent en résulter. Il est donc parfaitement justifié de qualifier la culture chinoise de « cybernétique » (1) et « homéostatique » (2).

La médecine taoïste – ou l’acupuncture – obéit aux principes de cette cosmologie. Visant à maintenir chez l’être humain ses capacités homéostatiques, elle est de nature préventive en l’aidant à résister aux agressions extérieures et à s’adapter à ses propres déséquilibres internes, bien que pouvant « réparer » si besoin est.

L’être humain est cependant responsable de sa santé. Pour les taoïstes, les sensations usent l’être humain, car elles diminuent en lui « substance et puissance », c’est-à-dire ces forces de vie que sont la matière organique et son capital énergétique.

(1) Homéostatique : du grec homoios « semblable et statos « qui se tient », désigne la tendance des organismes vivants à stabiliser leurs diverses constantes physiologiques. Concept suivant lequel tout système vivant, des micro-organismes aux macrosystèmes climatiques, obéit aux mêmes phénomènes de régulation. Il est désormais admis que la dimension psychologique de la santé est subordonnée aux circonstances socioculturelles et à l’environnement naturel dans lequel l’être humain est immergé.

(2) Cybernétique : du grec Kubernetes « pilote », principe qui signifie que tout retour ou feedback trop brusque risque de conduire la partie régulée à faire un écart plus important dans l’autre direction, jusqu’à entrer dans une oscillation incontrôlable (une guerre par exemple)..
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